Quand la fin ne justifie plus les moyens
(il n'est pas nécessaire de voir la vidéo en entier, 30 secondes suffisent pour comprendre la logique)
http://www.youtube.com/watch?v=OX0B8HUx1hI&feature=share
Cette vidéo est un exemple parmi d'autres d'une méthode comportementale: dîte méthode ABA. L'idée est de rééduquer, ou peut-être même de dresser si l'humain n'est appréhendé que dans son animalité. Cette méthode vise à conditionner une personne pour effectuer un comportement juger adéquate pour une situation spécifique. Le bénéfice de cette méthode se réduirait à l'adaptabilité. Sa justification réside dans le présupposé suivant: plus notre comportement est adapter moins on souffre. Est alors visé une norme comportementale.On entrevoi le problème: qu'est-ce qui ou qui définit la norme? La fin justifie-t-elle les moyens? Comment envisager une pratique de soin du pathos humain? Que cherchons-nous à soigner ? Et dans quelle intention?
Cette vidéo, aussi inquiétante soit-elle, a le mérite de susciter une réflexion, bien que celle-ci s'alimente d'indignation. Elle me servira d'exemple pour illustrer mon propos. L'idée pour moi, est de discuter une conception du soin au travers la question de la souffrance. Dans ce propos, je me centrerai sur la souffrance psychique et n'aborderai pas la complexe dualité corps/esprit.
Aujourd'hui, il semblerait que la lutte contre la souffrance soit devenue la justification inébranlable de toute tentative de soin: il y a les sectes de tous poils, les drogues légales ou non, les spécialistes de tous bords, les psychothérapies variées, les coachs divers, Lourde l'été (bien sur)... Toutes ces méthodes se rejoignent autour d'une justification commune : il s'agit de réduire la souffrance humaine ou idéalement de l'abolir.
A cette visée on propose des solutions pragmatiques, comme par exemple cette méthode comportementale qui tend à résoudre un problème pratique: remettre l'homme dans le "droit chemin". Une norme est définit et le but est de rétablir l'ordre, d'anéantir le trouble ou le symptôme. Qui définit la valeur pathologique d'un trouble? Où se situe la frontière du champ d'application de la médecine?
L'ordre à rétablir dans un processus thérapeutique est implicite, jamais définit (ou seulement par ce qu'il n'est pas), comme si cela allait de soi. L'intention n'est pas de comprendre le trouble et encore moins son étiologie mais d'y trouver une solution. Cette prise de position pragmatique implique qu'une société vienne prendre une décision relative à la construction arbitraire explicitement formelle d'une représentation du trouble mental. Il s'agit là d'une étiquette diagnostic visant à un traitement du trouble tel qu'on la construit, et alors mis en place des méthodes visant à le supprimer. En suivant cette logique, on pourrait créer la catégorie R.M.T (regardeur morbide de télévision) ou E.P.C (emmerdeur politique chronique) ou encore I.P.M (inactivité politique morbide) et développer des moyens pour rétablir l'ordre.
Dans une telle approche opérationnelle est préalable une certaine conception de la réalité relative à la considération de problème, de besoin et de possibilité d'approche. L'approche pragmatique est efficace mais restreinte. Elle répond à une construction artificielle et arbitraire des problèmes.
A cette vision binaire et linéaire, il convient de proposer une dimention nouvelle afin de laisser de la place au sujet et à sa singularité.
Dans un élan de provocation mal contrôlé, et dans l'intention d'ouvrir à un autre discours, je souhaiterai évoquer les bénéfices de la souffrance.
La souffrance porte un malaise commun à tous mais le rapport qu'on entretient avec la souffrance n'est pas du tout évident, voir énigmatique: le moins que l'on puisse dire c'est qu'il n'est pas univoque. Certains cherche activement la souffrance et ne conçoivent pas leur vie sous d'autres modalités, d'autres la cherchent comme punition ou comme moyen de rédemptions, d'autres encore se mutilent pour se prouver qu'ils sont toujours là.
Souvent, la cause de notre souffrance est placé à l'extérieur, rare est l'interrogation que l'on porte sur le rapport que l'on entretient avec elle et sur notre part de responsabilité des maux dont on se plaint. La plupart du temps, on continu à se casser la tête de la même façon sans s'interroger quand à sa position de sujet, sans nous interpeler dans la responsabilité de son existence.
Il me semble que le soin ne consiste pas nécessairement à soulager la souffrance car elle peut être parfois notre allié dans le sens où elle transpire la réalité. Elle peut parfois amener une mise en question du sujet venant rompre avec notre compulsion de répétition. La souffrance peut être la voie par laquelle l'humain peut être amené à changer, ou au moins à s'ouvrir à d'autres horizons que le fonctionnement répétitif dans lequel il s'enferme. Ce qui amorce se changement, c'est la crise qu'elle amène: notre fonctionnement répétitif ne tient plus. La souffrance demande alors des explications, du sens, et cette demande est idéalement adressé à un autre supposé savoir. La souffrance appelle à l'aide et donne une légitimité éthique et moral à une intervention.
Ce moment de crise est très rare, et il s'agit qu'à ce moment on ne cherche pas à soulager le symptôme le plus vite possible (ça souffre, on soigne) car cela entraînerait un réenferment dans le fonctionnement antérieur qui a lui-même amené la souffrance (ce serait un cercle vicieux).
La situation de souffrance vient concevoir une sortie à un mode d'être monde, elle vient confronter le sujet à sa propre vérité. Cette vérité qui réglait les affaires devient trop chère à payer, trop lourde. La considération de la souffrance lié à l'effondrement du fonctionnement antérieur amène une recherche de vérité inconnue. Ce sont des crises que naissent les révolutions.